La conservation des viandes
Du temps des premiers colons jusqu'à
nos jours, la principale méthode de conservation des aliments fut le
salage. Les premiers navires du Roi transportaient déjà du sel, et
rarement l'on faillit à inscrire la précieuse denrée en tête de
cargaison. Comme passe le temps, ce fut coutume transmise de mettre
la plus grande partie des porcs de boucherie en salois.
Quant aux jambons, ils étaient
marinés, puis fumés, ainsi que certaines parties du boeuf.
Les indiens pratiquaient le braisage,
et, curieusement, on a peine à retrouver l'indication que nos aïeux
faisaient de même . Bien sûr, ils ne devaient pas ignorer le
procédé, et peut-être le pratiquaient-ils plus qu'on ne peut le
déceler aujourd'hui. Mais ce qui est resté semble le fumoir et le
"salois" comme l'on disait alors.
Le braisage consistait à brûler
carrément la surface d'un gros quartier ou de gibier, jusqu'à le
carboniser. Cela scellait tout passage d'air ambiant et la viande se
conservait pendant des mois.
Quant au fumoir, il était un abri
souvent rudimentaire, dans lequel se trouvait un foyer où l'on
brûlait du bois dont le choix était déterminé par la sorte de
fumée qu'il dégageait en se consumant, sa quantité, sa saveur
spéciale, sa persistance dans la chair de l'animal. Les pièces à
conserver étaient accrochées au poutres du toit, et l'on ne fumait
jamais la nuit, de crainte d'incendie.
Il fallait au moins cinq jours, et
jusqu'à quinze et plus selon la nature et le volume de la pièce à
fumer. La viande rouge était longue à parfaire; le poisson, par
contre, se faisait rapidement.
L'on se mit à fumer outre le jambon,
dans le porc, lorsque la conquête anglaise amena lentement le goût
du bacon, qui était la panse fumée de la bête. Mais l'infiltration
fut lente, et même au début du siècle on ne comptait que peu
d'"habitants" qui fumaient la panse, hormis qu'ils aient,
voisins ou clients anglais.
Ni pour le braisage ni pour le salage y
a-t-il abondance de recettes. Il y a par contre, avant l'accrochage,
nombre de procédés de marinage, qui sont conseillés pour tout ce
qui va au fumoir.
Et cela s'appliquait au bœuf, au
jambon, à la panse de porc, au soc etc. Quant au poisson, le mariner
est plus rare, mais ce n'est pas une méthode inconnue. Cela dépend
beaucoup des variétés fumées. Le saumon, par exemple, s'attend à
être mariné. Et la perche de mer ne le serait pas.
La conservation de la viande, en notre
bout de Canada, tenait compte des hivers québécois, certes mais
songeait au dégel, aux printemps hâtifs, et se faisait pour pallier
les imprévus, surtout dans les grosses familles, la règle plutôt
que l'exception.